Sécurisation d'un serveur Apache

Apache est un serveur web très populaire, performant, et sa conception modulaire le dote d'une grande richesse fonctionnelle. Découvrez comment le sécuriser et le rôle de ses modules.

Le serveur...

Vivons heureux, vivons caché!

Il est très facile de découvrir quel serveur tourne sur un site web comme le montre l'exemple suivant :

$ telnet localhost 80
Trying 127.0.0.1...
Connected to localhost.
Escape character is '^]'.
HEAD / HTTP/1.0

HTTP/1.1 200 OK
Date: Sat, 02 Jun 2001 13:11:40 GMT
Server: Apache/1.3.14 (Unix)  (Red-Hat/Linux) PHP/4.0.3pl1 mod_perl/1.24
Connection: close
Content-Type: text/html

Connection closed by foreign host.

Un pirate apprend que le serveur Apache tourne sous une distribution RedHat et que les langages Perl et PHP sont actifs. On limite la divulgation d'information en insérant dans le fichier de configuration, /etc/httpd/conf/httpd.conf pour une RedHat, la ligne ServerTokens Prod. Ainsi, la bannière Server: Apache/1.3.14 (Unix) (Red-Hat/Linux) PHP/4.0.3pl1 mod_perl/1.24 se limite à Server: Apache. Cette option n'apparaît pas toujours dans le fichier de configuration (enfin, c'est le cas pour ma RedHat et ma Mandrake...), alors ajoutez-la rapidement.

Cela ne suffit toujours pas à masquer la version d'Apache : si vous demandez une page inexistante, Apache renvoie une page d'erreur 404 avec en bas de la page, le message Apache/1.3.14 Server at www.mon-serveur.org Port 80 qui révèle la version du serveur d'Apache. Pour empêcher cela, il faut désactiver l'insertion de la signature du serveur avec la commande ServerSignature Off. Utiliser ErrorDocument 404 /missing.html pour définir votre propre page d'erreur 404.

Limitations contre les DoS

De façon à limiter la portée des attaques de type Denial of Service, il est conseillé de limiter le nombre de connexions simultanées MaxClients et en particulier le nombre de connexions persistantes MaxKeepAliveRequests. Celles-ci sont apparues avec la norme HTTP 1.1. Elles permettent d'effectuer des requêtes successives lors de la même connexion, ce qui augmente les performances du serveur. L'utilisation d'un timeout empêche les connexions sans fin.

Exemple pour un petit serveur :

MaxClients 150
KeepAlive On
MaxKeepAliveRequests 100
KeepAliveTimeout 5

Bien définir un virtual host

Apache permet la définition de Virtual Host, c'est-à-dire que le même serveur peut héberger, y compris sur une même adresse IP, plusieurs sites différenciés par leur nom. Pour limiter les risques liés à une panne des serveurs DNS ou à des manipulations frauduleuses, il convient de définir le VirtualHost par une adresse IP puis de préciser son nom.

<VirtualHost 194.57.201.103>
ServerName www.esiea.fr
...
</VirtualHost>

Gérer ses fichiers de log

Apache permet de définir ses propres formats LogFormat pour les enregistrements dans les fichiers de log.

LogFormat "%h %l %u %t \"%r\" %>s %b \"%{Referer}i\" \"%{User-Agent}i\"" combined
LogFormat "%h %l %u %t \"%r\" %>s %b" common
LogFormat "%{Referer}i -> %U" referer
LogFormat "%{User-agent}i" agent

Ensuite, on enregistre les informations de log précisées par le format dans le fichier de son choix

CustomLog /var/log/httpd/access_log common.

Suivant l'utilisation de ces fichiers de logs (reporting,...), il peut être intéressant de faire apparaître le nom des machines se connectant au serveur web au lieu de leur adresse IP : HostnameLookups On active la résolution inverse.

Gestion des droits

Nous présenterons ici les mesures préventives liées aux fichiers contenus dans l'arborescence du serveur web.

Directory, Files, Location

La gestion des accès est effectuée par le module mod_access. On manipule principalement trois catégories d'objets :

.

Voici un exemple un peu farfelu extrait du manuel d'Apache, qui autorise la consultation du répertoire /docroot aux personnes utilisant le brower KnockKnock/2.0. Si vous voulez restreindre la consultation d'une partie de votre site aux personnes n'utilisant pas I.E., vous n'aurez pas trop de difficultés =:-)

BrowserMatch ^KnockKnock/2.0 let_me_in
<Directory /docroot>
order deny,allow
deny from all
allow from env=let_me_in
</Directory>

Mesure défensive

Plus sérieusement, il est fortement conseillé de tout interdire par défaut :

<Directory />
Order deny,allow
Deny from all
</Directory>

Ensuite, il ne reste qu'à valider l'accès aux répertoires correspondant aux sites

Order indique dans quel ordre les directives deny et allow sont évaluées. Deny from all interdit l'accès depuis partout. On aurait pu indiquer un nom de machine, un nom de domaine, une adresse IP, un couple IP/masque de réseau.

Options, AllowOverride

Options contrôle

All regroupe les différentes options sauf MultiViews, None supprime les options.

MultiViews redirige une demande pour index.html vers index.html.en ou index.html.fr selon la préférence signalée par le navigateur au serveur web.

Il est important d'être le plus restrictif possible par défaut, je conseille de n'autoriser que le suivi des liens symboliques où liens et destinations ont le même propriétaire :

<Directory />
    Options SymLinksIfOwnerMatch
    AllowOverride None
</Directory />

Un pirate pouvant écrire dans un répertoire du serveur web, par exemple via un partage NFS, peut en profiter pour accéder au fichier /etc/passwd via un lien symbolique si l'option FollowSymLinks est présente, Includes ou ExecCGI permet d'exécuter des programmes... En un mot, soyez prudent.

La directive AllowOverride peut prendre n'importe quel paramètre qu'aurait pris Options.

Protection par mot de passe

Le module mod_auth permet de protéger l'accès à un répertoire par mot de passe. En pratique, c'est souvent utiliser pour filtrer les accès à un sous-répertoires d'une page personnelle.

<Directory /home/*/public_html>
    AllowOverride AuthConfig
    Options SymLinksIfOwnerMatch
</Directory>
ou pour bloquer l'accès à un répertoire déterminé
<Location "/private">
Options None
AllowOverride None
AuthName "restricted stuff"
AuthType Basic
AuthUserFile "/etc/httpd/.passwd"
require valid-user
</Location>

Dans le cas des pages personnelles /home/*/public_html des utilisateurs, l'accès est déterminé par un fichier .htaccess que peut utiliser ou non un utilisateur, le nom du fichier même est défini dans la section générale de la configuration du serveur. Ce fichier protége l'accès au répertoire dans lequel il est placé ainsi que l'accès aux sous-répertoires. AllowOverride AuthConfig permet à ce fichier d'être pris en compte. Par précaution, il faut empêcher un utilisateur de les récupérer via le web :

AccessFileName .htaccess
<Files ~ "^\.ht">
    Order deny,allow
    Deny from all
</Files>
Si on veut pouvoir définir explicitement des exceptions pour les fichiers .htpipo par exemple, il faut spécifier l'ordre allow puis deny pour que l'autorisation prime sur l'interdiction.

Le fichier .htaccess contient les mêmes champs que pour le répertoire /private de l'exemple, c'est-à-dire un nom qui apparaîtra sur la fenêtre de demande d'identification (AuthName), la méthode d'identification (AuthType), le fichier de mot de passe (AuthUserFile) et enfin require valid-user :

AuthName "my restricted stuff"
AuthType Basic
AuthUserFile "/home/titi/.htpasswd"
require valid-user

... et ses modules

Le serveur Apache s'articule sur un ensemble de modules qu'il convient de restreindre au strict nécessaire.

Server Side Includes : mod_include

Les SSI ont déjà été présentés lors du sixième article sur la programmation sécurisée. Il s'agit d'un vestige de l'époque où les Perl et PHP n'avaient pas encore fait leurs apparitions. Il est fortement conseillé de le supprimé ou de ne l'activé qu'avec prudence Options +IncludesNOEXEC ou Options +Includes.

Perl: mod_perl

Le module mod_perl a été le résultat d'une intégration plus poussée des scripts CGI écrits en Perl. Il permet de meilleures performances qu'un script CGI classique. En terme de sécurité, il présente des risques identiques.

PHP: mod_php

PHP a été conçu spécifiquement pour la programmation web en tenant compte d'impératif de sécurité. Il est grandement paramétrable. Il est conseillé de définir les options suivantes dans son fichier de configuration /etc/php.ini. safe_mode surveille les fichiers accédés et interdit l'usage de commande à risque, expose_php contrôle l'affichage de sa banner, max_execution_time et memory_limit limite les risques de DoS, magic_quotes_gpc ajoute des quotes pour les données reçues des GET/POST et des cookies. Enfin, souvent oublié en production, il faut éviter l'affichage des lignes fautives lorsque les scripts PHP plantent.

safe_mode	=	On
expose_php	=	Off
max_execution_time = 30	; Maximum execution time of each script, in seconds
memory_limit = 8M
magic_quotes_gpc	=	On
display_errors	=	Off
[SQL]
sql.safe_mode	=	On

CGI

Il faut limiter leur présence à des répertoires bien déterminés, ils sont alors autorisés par un Options +ExecCGI sur la base d'un répertoire particulier.

Répertoires des utilisateurs : mod_userdir

Les utilisateurs du serveur peuvent bien souvent publier leurs pages dans leur répertoire public_html, configuré via le paramètre UserDir public_html. De façon à éviter une mauvaise surprise, root n'est pas autorisé à faire de même : UserDir disabled root.

Directory listing : mod_dir, mod_autoindex

La directive DirectoryIndex définit les pages d'index souvent index.html ou index.php3 et en l'absence de celle-ci, le module mod_autoindex en génère une si l'option Indexes est présente. Les index peuvent aider un pirate à découvrir d'anciennes versions de script, un backup du site ou d'autres documents sensibles.

Users et users

Le serveur web est lancé par l'utilisateur root ce qui lui permet d'utiliser le port privilégié 80, ensuite il prend l'identité d'un utilisateur sans pouvoir apache ou nobody.

User apache
Group apache

suexec

Le problème est que les scripts s'exécutent tous avec le même id (i.e. le même propriétaire). En conséquence, ils peuvent interférer entre eux. Le programme suexec permet d'utiliser des User/Group différents pour chaque virtual host de façon à séparer les utilisateurs. En contrepartie, un pirate disposant du compte apache est capable d'utiliser ce programme pour corrompre d'autres comptes, c'est pour cela qu'il n'est pas actif par défaut. Il faut lire très attentivement la documentation.

Il est déjà compilé sur une RedHat mais pas forcément activé, il suffit alors d'un chmod u+s /usr/sbin/suexec pour le rendre actif.

ls -l /usr/sbin/suexec
-r-s--x---    1 root     apache      10976 Mar 29 19:52 /usr/sbin/suexec

# httpd -l
Compiled-in modules:
  http_core.c
  mod_so.c
 suexec: enabled; valid wrapper /usr/sbin/suexec

Conclusion

J'espère vous avoir donné suffisamment d'éléments pour sécuriser votre serveur Apache, sinon n'hésitez pas à consulter le manuel : si vous avez des difficultés à vous y retrouver, un grep peut vous aider.

Références

/var/www/html/manual/mod/core.html
/var/www/html/manual/misc/security_tips.html
/var/www/html/manual/mod/suexec.html

Christophe GRENIER - cgr@global-secure.fr